Ma lettre à la petite moi
Il y a quelques mois déjà, Patrice Bélanger livrait un témoignage poignant à la radio et ça a enflammé le web. Je l’ai écouté, j’ai pleuré mais surtout, je n’ai pas pu m’empêcher de réfléchir à ce que j’aurais eu à dire à la petite moi. Voici ce que ça a donné:
Marie-Soleil,
À peine née, les gens se souviendront facilement de toi avec ton nom franglais peu commun. À l'image de ton nom, ton chemin se poursuivra enchaîné d'extrêmes. Rarement dans la zone grise, tu devras faire face à de grandes épreuves. Seule.
Fais-toi confiance, les solutions à tes maux résideront toujours à l’intérieur de toi.
Une fois à l'école, tu auras de la misère à trouver ta place. Plus tard, tu comprendras que c’est parce que toi, tu n'as pas le style de vie de la majorité et ça, ça dérange inconsciemment les gens. Toi, tu passeras ton enfance dans un petit appartement boucaneux de cigarettes avec une chambre que tu devras partager avec ta petite sœur. Ne t’en fais pas avec ça, un jour elle deviendra ta plus grande amie. Pour la fumée, c’est une presqu’une mode à cet époque. Les gens en ignorent alors les désagréments. Malgré ça, tu entasseras dans ta tête des tonnes de beaux souvenirs, car tu as la positivité dans l’âme. Crois-moi, c’est une force.
Tu te rendras au secondaire sans difficultés. De grâce, ne prend pas personnel tous les commentaires que tu entendras. Il faudra que tu prennes ton courage à deux mains et que tu puises ta force bien au fond de toi pour aborder les gens au-delà de ces mots qui joueront en boucle dans ta tête. Et ça, même quand ces gens feront parfois comme s’ils ne les avaient jamais dit.
Des amis, tu en auras des bons. À petites doses. Tu ne feras pas partie d’une gang, encore une fois comme la plupart, mais continue d’en voir le bon côté. Tu apprendras à te définir à ta propre façon. Sans jamais vraiment en parler, tu souffriras en silence de ce manque d’amitié “de groupe” qui te fera souvent sentir comme dans l’oubli.
Crois-moi, tu retiendras plus de positif que de négatif de cette jeunesse et tu en garderas de bonnes amitiés.
Tu connaîtras ton premier amour avec qui tu te sentiras déjà femme. Puis un jour, il te brisera. Faisant renaître ton sentiment de solitude de plus belle. Là aussi, tu en garderas tout de même le positif et tu comprendras plus tard.
Dans ce moment de faiblesse, tu t’endormiras dans des mots teintés d’attentions. Tu y croiras un moment et tu te laisseras endormir dans une relation toxique et manipulée. À chaque fois que tu réussiras à ouvrir les yeux, tu comprendras un peu plus de ton cauchemar. Mitigée entre le bonheur indescriptible de devenir maman et ces bleus qui s’encaisseront inlassablement sur ton corps et ton âme.
J’aurais tant aimé avoir la possibilité, à ce moment précis, de crier à la petite moi que ça allait passer. Que tu ne méritais pas ça. J’aime croire que c’est ce qui s’est produit. Comme un déclic, un soir tu diras: c’est assez. Crois-moi, ça le sera!
Le chemin sera difficile. À un point où parfois tu croiras qu’il aurait été plus facile d’abandonner. Mais tu es forte Marie-Soleil. Tu prendras tout ce qu’il t’en reste de cette force et tu partiras. Reconstruiras ta vie avec ton enfant chérie. Loin. Le plus loin possible pour la protéger, elle, de tout ce qu’elle aurait entendu à son tour dans la cours d’école. Celle où ton passé s’imprégnait désormais de rumeurs déformées et d’opinions dont elle n’aura pas besoin.
Encore-là, tu en sortiras le positif. Bien que tu ne souhaites la violence à personne, tu feras de cette étape, un tremplin.
Tu réapprendras à faire confiance. Tu aimeras à nouveau. Tu connaîtra l’amour et le bonheur, enfin. Tu voudras aider tous ceux qui croiseront ton chemin, par amour pour l’humain. Tu vivras d’espoir. Tu auras de grands projets. Tu échoueras. Tu te relèveras. Tu en auras de nouveaux. Tu vaincras toutes les épreuves par amour pour tes enfants, par amour pour toi. Tu apprendras à reconnaître, comprendre et écouter tes limites. Chaque fois que la vie te poussera un défi, tu sauras retrouver ton équilibre. Tu t’épanouiras devant la chance que tu as d’avoir donné la vie à deux filles adorables et en santé. Tu seras fière d’elles. Fière de ton mari. Fière de tes choix. Fière de toi.
Puis, tu douteras de toi. Encore.
Jusqu’à ce que tu mettes ta vie sur papier et que ça te frappe de plein fouet.
Je suis forte. Je suis positive. Capable de tout. Voir le bon côté à tout m’a sauvé d’une tonne de péripéties qui auraient pu m’alourdir l’existence.
À la future moi, n’aie pas peur, tout passera.
Tu as toujours le choix.
Marie-Soleil English