Ces amis proches devenus loin
Je ne sais pas si c'est parce que la période y est propice, mais chaque année, il me vient comme cette envie de faire un bilan de mon année. C’est cet état d’esprit qui m’a envahit la nuit dernière, alors qu’il m’a prit l’idée de sortir dehors, aux abords de ces premières nuits printanières qui se réchauffent doucement.
Seule, dans les marches du balcon devant la maison et emmitouflée dans ma doudou comme une enfant, je contemplais le ciel. La lune, elle, me regardait fixement de ses aires étranges sans être menaçants. J’ai souvent ce réflexe… Comme si en levant les yeux au ciel, je n’y trouverais pas mes réponses. Assise là, flattée par un doux vent rassurant, je repensais à ceux et celles qui, au fil du temps, avaient croisés mon chemin… Ces amis proches devenus loin.
La première personne à m’être venue à l’esprit, c’est ma chère amie M-È. Celle avec qui j’ai passé la plus grande partie de ma courte vie d’adolescente. Avec qui j’ai contemplé des milliers de fois ce même ciel étoilé en se promettant une envers l’autre un amitié infini. Nous étions jeunes et belles, même si on en doutait parfois. Aujourd’hui, je sais. Il me reste quelques photos de nous, quelque part, enfouies comme nos souvenirs. On s’est promis tant de choses avant que nos chemins changent de direction. Sans trop savoir ce qui nous a égarées, j’ai encore parfois cette envie soudaine de lui téléphoner pour nous entendre se raconter nos vies. Comme si rien n’avait jamais changé.
Ensuite avec mon grand ami M, je me suis revue dans nos cours du secondaire à s’échanger des pages et des pages de conversations et de confidences dans mes cahiers. Ceux-là plutôt destinés aux notes de cours. J’arrive à peine à comprendre comment on a pu réussir notre cours de sciences physiques, entre autre. Par cette inévitable recherche d’identité que m’a fait vivre l’adolescence, j’ai souvent valsé entre des sentiments d’amour et d’amitié envers lui, mais maintenant, je sais. Notre complicité était celle d’une simple et grande amitié. Comme un grand frère avec qui je me sentais bien et protégée. Avec qui je n’avais pas toujours besoin de mettre des mots sur mes sentiments.
Puis j’ai pensé à R. Ce premier amour. Cette première peine aussi. Mais à la fois, ce modèle amoureux qui m’a permis de m’éloigner d’une relation malsaine qui est venue après. J’espère qu’il sait que je lui ai pardonnée d’avoir tant fait pleurer l’adolescente que j’étais. Parce que c’est avec ces larmes-là que j’aie grandit. À l’époque, je n’avais rien compris. Maintenant, je sais. Et je comprends aussi ce goût d’aventures et ce désir d’une jeunesse assumée.
Quoi qu’ils soient devenus, ces chers amis du passés, K-È, B, A, M, … et tous les autres qui ont croisés mon chemin, il me revient parfois à l’esprit des pensées de ces moments précieux. Puis je souris. Comme en cette nuit qui sent l’arrivée du printemps. J’aime penser que parfois, ils regardent la lune au même moment que je le fais. Car, c’est ce qu’il nous reste en commun; ce même ciel qui nous a vus grandir et parcourir notre chemin vers nos vies d’adultes. Je souhaite que chacun d’eux vivent le bonheur qu’ils méritent. Qu’ils ont encore leurs éclats de rires de jeunesse qui ont marqués la mienne.
Dans quelques semaines, la plus grande de mes filles aura 12 ans. C’est à son tour de faire son entrée dans sa vie d’adolescente. Est-ce cela qui me pousse vers cette nostalgie nocturne improvisée? Elle vivra de belles soirées sous ces étoiles. Elle dira des promesses qu’elle ne saura tenir sans savoir que le présent n’est pas infini. Elle vivra son premier amour jusqu’à ce qu’elle ne comprenne rien des chemins qui devront se poursuivre dans des directions distinctes.
Puis un jour, elle comprendra tout. Peut-être le fera-t-elle en levant les yeux au ciel, caressée par cette même douceur printanière. Assise là, dans les marches du balcon de sa maison, alors que ses enfants et l’homme de sa vie y dormiront. J’espère qu’elle connaîtra ce même sentiment d’amour inconditionnel qu’on peut porter envers ses enfants. Qu’elle aura cette même chance de vivre avec son grand amour. Qu’elle prouvera que ça existera encore. Qu’elle aura une adolescence chargée de bons souvenirs. Et surtout qu’au bout du compte, comme ma chère V, ma belle J et ma « babynette »J, quelques unes de ses amitiés se poursuivront à travers le temps, bravant toutes les tempêtes.
Alors que dans les pages de mon cahier je dessine des courbes, des sons, des mots avec des consonances presque poétiques. La lune, elle, me regarde toujours fixement. D’ici, on pourrait presque dire qu’elle me renvoit mon sourire.
Marie-Soleil English