La case départ - va ch**r Covid19

Ça y est, j'y suis encore: sans emploi pour une durée indéterminée. Ce n'était pas de guaité de cœur, mais plus une évidence vue la situation. Je continue de m'occuper de mes clients à la maison, mais ce n'est plus pareil. Les prochaines semaines seront silencieuses et incertaines. Sauf qu'en tant que travailleur autonome, ça ne fait pas des grosses payes de faire des annulations.

C'est comme si le rush des derniers jours et mon positivisme légendaire me gardaient sur le nez, des lunettes roses. Sauf qu'en quittant le bureau pour une des dernières fois, car j’emboîterai le pas du télé-travail, j'ai du arrêter à l'épicerie et j'ai craqué.

J'ai pris un panier désinfecté à l'entrée, car la fille souriait, armée de son linge louche et de son Purell. J'avais juste besoin de pain et de lait. Arrivée à l'allée des pains, il y avait tout sauf ça. Il y avait le vide. Il y avait le pain dévalisé et moi dévastée. J'ai pris deux minutes pour me demander, mais bordel, jusqu'où la vie veut m'achever?

Et là, j'ai voulu rationaliser et me dire que rien n'est de ma faute et c'est vrai, mais là j'avais besoin de répit, tout de suite, dans l'allée du pain.

J'ai vécue mon secondaire pas trop facilement, pour finir dans les bras d'un "rebound" à 16 ans, enceinte et à la porte. Pas grave, la vie en moi était plus forte. Je me suis refait une tête et une âme quelques années plus tard après ce beau matin où j'ai décidé que plus jamais, il ne frapperait mon corps. Pas grave, j'en avais la force. Une fois cicatrisée, j'ai rencontré l'homme de ma vie, un homme bien cette fois. On s'est bâti une maison loin, très loin d'où sommeille maintenant mon passé. J'ai signé mon hypothèque, le jour même où j'ai perdu mon emploi. Pas grave, m'avait-on dit, tu es intelligente et forte, tu trouveras dans ton nouveau coin. J'ai ouvert une garderie: grave erreur pour une femme de carrière. Ça a duré cinq mois. Je suis donc débarqué dans une entreprise avec un aplomb insoupçonné et j'ai pas eu à faire d'autres entrevues, j'avais presque mon bureau en sortant. L'équipe était malade, je jubilais devant mes contrats d'impressions et de publicités. Je me voyais vieillir dans cette compagnie-là. Parfait, c'est le moment pour un deuxième enfant. C'est ce que font les gens après tout quand ils ont une job stable. Mais non, pas moyens d'être bien. Pendant mon congé de maternité, on m'apprend que l'entreprise se relocalise sur la rive-sud. Retour à la case départ, je n'ai plus d'emploi. Pas grave, je suis forte. Je profite du moment pour partir ma propre business, faire un cours en gestion, négocier mes contrats, toute la grosse affaire du haut de mes 24 ans. La petite dernière a deux mois et me voilà avec une nouvelle business d'impressions et de publicités sur la rive-nord. Il parait que les cinq premières années sont les pires. F*ck you, les cinq premières sont juste pas supportables. Je dirais que ça commence à se placer à la quatrième. Ce moment où tu commences à te payer décemment. C'est aussi là, que je sors mon blogue. Parfait, je suis partie pour la gloire et je passe enfin le cap du cinq ans. Mais non, les temps sont dures il parait. Je l'ai su quand j'ai ouvert ma première lettre d'avocat me disant qu'un client a fait faillite. Deux semaines plus tard, un autre. Pour une business qui commence à se rentabiliser et avec laquelle je suis partie sans prêts, des faillites de clients à coup de 25000$, ça fait mal. Pas grave, je suis forte, aussi bien fermer rendu-là. Anyway, avec les nouvelles technologies, l'industrie de la pub, ce n'est plus ce que c'était. Case départ, plus d'emploi. Puis un jour j'allume! Après un article assez direct sur mon talent gaspillé, des milliers de partages et de demandes d'entrevues, je décide de tout lâcher. J'écoute mes tripes, mes passions et ma voix intérieure jusqu'à me rendre à nouveau sur les bancs d'école en tourisme et voyages. Je revis. J'atteins mes objectifs. Je voyage encore et encore et je partage mes aventures. Le blogue va bon train. J'ai des clients en or, une équipe du tonnerre, je me vois grandir dans cette équipe. Mes rêves n'ont plus de limite. Je respire le bonheur. Mais non, ça ne pouvait pas être simple. La Covid19 a décidé de débarquer.

La case départ: je n'ai plus d'emploi. Je n'ai même pas de pain. Mais bon, il parait que je suis forte.

J'aurais beau le crier dans un article à cinquante-miles partages, mais ça ne donnerait rien. Cette fois, tout le monde est à la case départ. Tout le monde a l'avenir incertain. Un gros 4% de grandes "vacances" et 96% d'inquiétude.

C'est fou quand on perd tout, comment on réalise à quel point on s'est entouré de choses inutiles. De superflus.

C'est un peu ça que je réalise, tout ce qu'il me reste, c'est moi, ma plume et ma passion du voyage.

J'ai laissé mes larmes sécher, faudrait surtout pas se toucher le visage. J'ai fini par changer d'allée et comme deux perdus dans le rayon des produits laitiers, deux pains m'attendaient.

Ça va passer. J'ai vue les arc-en-ciel aux fenêtres en revenant.

Ça va passer. J'ai vécue pire et je me suis toujours relevée.

Ça va passer. Il y a toujours eu du beau dans mes retours à la case départ.

Ça va passer. Nous retournerons voyager.

#insomnie #cavapasser #covid19 #conseillereenvoyages #nevergiveup

*Ce texte n'est pas libre de droit, ça l'air qu'il faut que je le mentionne maintenant* *Partagez, pas copiez*

Marie-Soleil English