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Le temps n'arrange pas les choses

Ça fait 15 ans aujourd'hui que j'ai perdu le premier homme de ma vie- mon père. 15 ans que j'apprends à vivre sans lui, sans sa lumière, ses encouragements, sa bonne humeur et sa grosse voix réconfortante. J'étais à peine adulte lorsqu'il m'a quitté. Du jour au lendemain, sans aucun préavis, il est parti. Sa première et dernière crise de cœur a été fatale, mortelle. Gone. Je n'ai jamais pu me préparer à ça. Du haut de mes 21 ans, j'ai dû prendre mon courage à deux mains et dire au revoir à mon papa, sans vraiment pouvoir lui dire adieu convenablement. Je suis entrée dans la pièce, le voyant inanimé sur la civière d'hôpital. Mes bras autour de son corps, ma tête au creux de sa poitrine, juste là où son cœur ne battait plus… J'ai braillé ma vie sur son corps éteint, sans vraiment comprendre ce qui venait de se passer.

Ça fait 15 ans maintenant que je réapprends à vivre sans lui et à cohabiter avec la douleur que son départ a créé. 15 ans que j'essaie d'apprivoiser la personne que je suis devenue depuis son départ. Parce que, oui, les traumatismes changent une personne, de façon permanente des fois. C'est comme ça la vie- on change, et parfois même contre notre propre volonté. La douleur reste insoutenable longtemps. Trop longtemps. Et puis là, pour que tu te sentes mieux, tout le monde te dit: tu vas voir ça va passer, le temps arrange les choses. Bullshit. Le temps n'arrange pas les choses. Le temps ne guérit pas la douleur. Peut-être que tu vis, toi aussi, avec un traumatisme et te demande c'est quand que la douleur va partir. Je vais te donner l'heure juste: elle ne va jamais partir. La douleur va s'atténuer avec le temps, garantie, mais vous allez cohabitez ensemble ta douleur et toi, elle est là pour rester. Tu vas apprendre à composer avec elle. La douleur va cicatriser, mais elle sera toujours là, la maudite cicatrice.

15 ans, c'est 5475 jours. Et il n'y a pas une seule de ces journées passées où je n'ai pas pensé à lui au moins une fois. La plupart du temps ce n'est pas douloureux, les souvenirs ou même les scénarios que je m'invente du genre "Qu'est-ce qu'il aurait dit ou fait mon père?", ça fait du bien à l'âme. D'autres fois, j'ai simplement envie de me rouler en boule et pleurer comme une madeleine parce que je m'ennuie. Il me manque, tout simplement. Et il va toujours me manquer. Chaque petit moment de bonheur, chaque petite victoire, est toujours un peu plus triste sans lui. Le temps ne changera jamais ça.

- Marie-Claude Bureau, collaboratrice spontanée