Je me souviens de ce premier jour.  Cette première fois où j'ai deviné ton geste noyé de sensibilité. Envahie par mon instinct inné. Guidée par cet étrange sentiment que l'on ressent quand on héberge un petit être en soi. Blottie tout au fond de ta cavité sans lueur, dans ta maison changeante et sans extérieur, j'ai compris ton geste qui me frôlait sans réellement me toucher. Moi dans ce monde, toi dans le tiens.

J'avais posé ma main là, comme sur une mer calme, quand enfin j'ai senti cette première vague soudaine. Toi, mon petit bout de vie agité par l'instinct de ton âme. Toi, ma petite délicatesse dans ton nid de chaleur. Séparée par l'enveloppe seule de mon corps étiré, j'ai si bien senti ce que je n'ai pu toucher. L'impatience était à son comble jusqu'à cet instant. Ce moment où enfin, je t'ai pris dans mes bras. Tout ce temps, j'attendais ces neufs mois s'écouler, profitant à chaque fois de ce "presque-touché".

Ce soir, à l'aube de ton entrée à l'école, tu t'es endormie contre moi comme tu aimes le faire dans ces jours spéciaux où papa est parti travailler pour la nuit. Tu t'es endormie en me tenant la main. J'ai regardé pendant un moment tes paupières s'agiter. Moi dans ce monde, toi dans le tiens. Blottie contre moi, je ne saurai jamais à quoi tu rêvais. Mais pendant ce temps, alors que les minutes s'envolaient dans leur tourbillon infini, j'ai sus profiter de notre proximité.

Dans quelques jours tu franchiras une étape et elle me confirmera que je n'ai plus de bébé. J'espère que tu t'épanouiras dans ce monde qui, un jour rejoindra le miens. Toi, ma deuxième grande fille. Toi, mon dernier bébé.

Marie-Soleil English