Ma fille, je voudrais fixer le temps.
On raconte que nos âmes vivent à travers plusieurs vies. Quand je te regarde, j'ai cette impression de t'avoir connu avant. Toi, ma grande fille. Celle que j'ai portée prématurément dans mon corps d'adolescente. On dit que l'amour d'une mère est inconditionnel. Avant même de faire ta rencontre, je t'aimais déjà de cette façon là.
Tu n'as que douze ans. Tu as traversé déjà tellement de tempêtes que tu affrontes comme si tu connaissais déjà la vie et ses combats. Ceux-là qui imposent sur ta peau mince les blessures des larmes.
Alors que les jours de pluie auraient dû t'inspirer une comptine, jeune, tu peignais déjà ton futur en balayant la vie et ses couleurs enfantines. Tu as tes couleurs bien à toi et elles te sont authentiques.
Quand on vit une épreuve, on nous dit que le temps va passer. C’est vrai, c’est toujours ce qui s’est produit. Étrangement, sa vitesse n’a plus d’importance pour moi. Même que je me surprends à rester là, devant la fine aiguille qui s’agite dans un tourbillon infini. Pour une fois, je voudrais fixer le temps et te dire toute la force que je vois en toi. Tout ce que je devrais prendre le temps de te dire, sans que la pression de cette maudite aiguille qui tourbillonne ne m’empêche de le faire.
Tu vivras des épreuves. Tu grandiras à travers un monde qui te décevra parfois. Tu auras des attentes qui te sembleront inatteignables et où tu sentiras ta force faiblir. Tu voudras, à certains moments, te projeter à des milliers de tourbillons d’aiguille plus tard. Tu vivras des premières fois. Ta première peine d’amour, elle fera mal et elle te changera.
C’est vrai.
Sauf que tu es forte et grande. Tu es courageuse et bonne. Ça, je ne veux jamais que tu l’oublies. Si une situation ne te rend plus confortable, je veux que tu saches qu’il ne sera jamais trop tard pour prendre un nouveau départ. Tu as le pouvoir de choisir quand une étape se franchie et quand en débute une autre. Prend le temps d’observer la nature, de te définir à travers elle. Fait du changement un allié plutôt qu’une peur, car la peur est la seule chose qui aura du pouvoir sur ta vie. Garde près de toi ce qui t’est cher, laisse tomber ce qui ne compte pas.
Ma fille, ma perle d’amour, je sais que tu comprends déjà bien au-delà de ces mots-là. Je sais que ton âme a vécu et qu’elle m'a choisie pour être ta maman. Je sais que tu le sais déjà, mais aujourd’hui, je tenais à fixer le temps pour te le rappeler. Pour te dire que je serai à tes côtés pour tous tes combats quotidiens. Même dans la plus grande de tes noirceurs, je saurai trouver ta main pour te guider. Tu le sais déjà, mais l'amour d'une maman ne se calcule pas et je t'aimerai toujours au-delà de ce que tu crois possible.
Dernièrement, alors que je vivais mes épreuves d’adultes, tu m’as prise dans tes bras et tu as passé ta main sur ma joue. On raconte que nos âmes vivent à travers plusieurs vies. À cet instant, tu ne savais rien encore de ce qui arrivait, mais j’ai senti le plus grand des réconforts.
Comme si tu m’épaulais à ton tour, revenant d’une autre vie.
Là où je t'aimais déjà.
Marie-Soleil English